MADAME N'GUYEN

Mme N'Guyen

Bizarre sensation que celle de croiser le chemin de cette Mme Irma vietnamienne,
entre émerveillement et peur, entre envie et angoisse, entre libération et étouffement.
Oracle des temps modernes, qui lit dans mes propres entrailles.

Bizarres sensations au sortir de son antre, antithétiques envies, paradoxales envies:
Envie d'en savoir plus, toujours plus, comme si ça pouvait me sauver la vie le fait de la devancer,
envie de la laisser me dépouiller toute entière;
Mais vagues de jalousies, jalouse de moins me connaître que cette femme ne me connaît, elle qui ne m'a vu qu'une poignée de minutes; envie de lui reprendre ces morceaux de moi, envie de lui arracher ce qu'elle sait et qu'elle ne m'a pas dit

Bizarre expérience, 2800 secondes pendant lesquelles tout tombe, barrières, tabous, façade, masque,
impression de prêter la clé de son âme, comme on prêterait la clé de son appart, avec la peur de ce qu'elle va pouvoir y trouver, mais le plaisir lâche et sans prix de ne pas avoir à se justifier, à parler, à s'expliquer pour être écouté, compris, puisque l'appart parlera pour nous, et que de toute façon on ne lui a rien demandé à cette visiteuse, alors on ne lui devra rien.
Bizarre, d'être mise à nu ainsi par une parfaite inconnue: pas de quiproquos, pas d'incompréhension, puisque pas de communication: je ne donne rien, elle se sert.
Pas d'intermédiaires, pas de mots qui saliraient ma vérité, pas d'oreilles pour décoder ces paroles sales et les interpréter.
Pas d'efforts, pas d'efforts.
Se laisser aller à perdre son identité, se décomposer, se liquéfier.

Bizarre